galère réunionnaise
Et, oui,le terrain, ce n'est jamais facile...
Pour moi non plus, ça ne marche pas comme je voudrai, le terrain ça ne va pas au rythme
escompté, les gens oublient de vous recontacter, parfois, certains sujets sont difficiles à aborder, et puis des petites
particularités linguistiques un peu difficiles à gérer, etc.
Pour ce qui est du sujet, il m'a fallu le recadrer nombre de fois... pour finir
pour arriver à ce que je voulais une semaine avant de partir (comme quoi, il
faut arrêter de se prendre la tête).
Bref...
Mais c'était aussi la raison pour laquelle j'ai choisi de rester un peu plus
longtemps que prévu sur l'île... C'est souvent vers la fin seulement que tout
commence à se décanter, à se clarifier, à couler de source. Mais en
attendant...
Pour ce qui est des petites difficultés linguistiques (ai-je à me plaindre ?), le problème du créole, c'est qu'il est facile à comprendre (enfin... avec de la concentration et une oreille avertie), mais difficile à parler (accent particulier, structure proches du français, mais particulières quand même, métaphores nombreuses (et jolies), grande importance du langage corporel...). Et pour toucher un créole, il est mieux de lui parler créole... : "enfin un Zoreil (métropolitain) qui fait l'effort !" Et là, plus d'infos, plus de confiance, plus d'échanges. Mais il reste tentant de parler ma langue maternelle, surtout qu'elle est généralement bien comprise.
Pour ce qui est de l'approche des gens, c'est une peu le même problème. On peut se contenter de peu d'efforts pour les aborder, mais on passe à côté de l'essentiel. On dirait que les créoles jouent un rôle de zoreil, face aux zoreils, ou qu'ils ont des discours préfabriqués, qui nous plaisent, et sortent au bon moment pour arranger tout le monde : nous, parce que c'est ce que nous voulons entendre, et eux, parce qu'ils se protègent des jugements. Alors il faut détecter tout ça, jouer avec, et surtout... trouver la "faille" qui fera que les vrais échanges commencent.
Un bel imbroglio, quoi ! C'est un véritable jeu de miroir dû à un passé
lourd,
à des années de soumission à une culture occidentale refusée, mais
toujours
très valorisée.
Mais ça donne de bons moments : "Est-ce que vous avez pris des zerbaj
pendant votre grossesse ?" "NON ! je ne prends que des médicaments !
" "Et ça, cette plante, vous la prenez ?" "ben oui, c'est pour éviter
que le
bébé soit malformé, ou parce que...", et là, intarissable. Les discours virent vite à l'opposé de ce qu'ils donnaient au début d'une conversation, lorsqu'on montre qu'on accepte les croyances et les traditions. Donc,
compliqué de faire sortir les infos, mais ça va
devenir passionnant !
Pour vous faire comprendre un peu les multiples facettes de la Réunion, en un seul jour, je suis passée d'un monde à un autre à 3 reprises : le marché "créole", le matin, la marche sur le feu tamoule (malbare, ou hindoue), l'après-midi - explosion de couleurs, petit concentré magique de rituels, de symbolique, tout comme on aime ça, nous, "ethnologues" - et enfin soirée branchée dans une énorme maison avec piscine... et que des musiciens, ingénieurs, ou graphistes... zoreils (souvent bretons, d'ailleurs, dont les sujets de conversation sont centrés sur leur région d'origine et les randos à faire à la Réunion... j'exagère.)
De longues palabres... à la fois pour partager les ambiances créoles, mais
aussi pour partager des difficultés de terrain auxquelles nous devons tous faire plus ou moins face.
Pour reposer l'esprit, et faire plaisir aux yeux, voici quelques photos...
Préparation du carré de feu par des officiants malbars. Ils font des offrandes aux 5 Dieux (un couple et 3 autres dieux, chacun à un point cardinal) qui entourent le carré de braises de 6m x 3 (chiffres "magiques"), avec les plantes hindoues sacrées : coco, citron galet, camphre, bétel... Ces préparations sont faites pour invoquer les dieux et leur demander de protéger les croyants qui vont traverser plusieurs fois les braises, pieds nus, pour leur demander une faveur, ou les remercier. Cette marche est effectuée à l'issue de 21 jours de carême et de prières à la rivière des pluies. Les tambours accompagnent les marcheurs, pour faciliter la transe, et diminuer les souffrances occasionnées par les traversées. Les familles, à l'intérieur des barrières, ont suivi le carême, et peuvent ainsi soutenir les marcheurs en priant, et filmer leur "exploit".
Ici, un espace dédié à Gandhi, avec plantes sacrées tamoules (ou malbars) autour. Non loin de là, les familles sont réunies pour le fameux "pique-nique-dominical", véritable institution, à la Réunion : les familles arrivent en bandes énormes, avec des plats fournis, les tonnelles, parfois les groupes électrogènes et les frigos, et passent le dimanche à papoter sur les pelouses (ou au bord des routes, pour peu qu'il y ait un rallye).
Le cardinal, ou foudi de Madagascar, petit oiseau rouge-orange à peine plus gros que mon poing, qui m'a accueilli à l'aéroport (ça ne s'oublie pas !). Un peu farouche, il m'a fallu un mois pour enfin pouvoir vous faire partager ses couleurs par pixels !
Par ici (c'est plus beau en grand), un truc genre moustique de jurassique parc, qui pond dans les fruits du jardin de nico...
Margose, ou petite cucurbitacée lianescente que l'on peut consommer en salade, mais son amertume en fait reculer plus d'un. C'est d'ailleurs devenu un qualificatif pour les femmes ayant du caractère...
La pêche, sur la jetée du port de Saint Leu. J'ai le sentiment que c'est un sport national, ici. Les stock en poisson des rivières tendent d'ailleurs à dangereusement diminuer. Mais ne croyez pas que c'est LE sport national. Passent d'abord les combats de coqs, les courses de voitures, et la messe !
Et pour le plaisir, un zendormi, ou caméléon (dis moi, nico, si je me trompe), calé sur un palmier, près des gens qui sirotent une bière, en attendant le coucher de soleil sur la mer, en espérant qu'ils pourront voir le mythique rayon vert, que l'on aperçoit au moment où le soleil plonge définitivement dans l'océan.